En 2016, nous présentions le spectacle Des Illusions. La fin promettait à notre héroïne une sortie du cadre normatif que lui proposait la société et qui l’oppressait. Nous nous rappelons nos nombreuses discussions avec les jeunes. Iels se sentaient très lié.es au ressenti de Emma, notre protagoniste, mais une impuissance les paralysait et cette question les hantait : « Oui mais concrètement ? Comment faire pour sortir de ce cadre ? ». Petit à petit, les Fridays for Future initiés par la jeunesse nous ont semblé une réponse incroyable ! Et puis le confinement a tout stoppé. Nous discuté avec des jeunes de rhétos qui avaient participé à ces actions : certain.e.s ont été découragé.es par le peu de changement que cela a engendré. D’autres avaient encore plus de rage, la conviction qu’il faut aller plus loin, voire “tout péter !” pour créer l’impact. La question de comment s’engager, de comment canaliser sa colère, son débordement vers le changement, est devenue centrale.

« Tout péter ! » Que voulait dire ce jeune exactement ? Était-il prêt à la violence ? À l’heure où notre génération est globalement non violente, où la répression policière est de plus en forte, où les lois sur les manifestations se durcissent, où les initiatives de résistances sont étouffées, où les corps se sentent impuissants, où les perspectives sont inexistantes. Le souvenir de cette discussion est le déclenchement de cette future création. Le développement de ce nouveau spectacle serait, lui, comme la suite de ce que nous avions souhaité à Emma en 2016. C’est pourquoi nous choisissons de parler concrètement de luttes et de résistances.

Nous partageons les sentiments des jeunes que nous rencontrons au quotidien : la colère et l’impuissance. Nous avons pu constater, lors d’ateliers, que la transmission de récits porteurs d’alternatives et d’espoir sont mobilisants. Dans Puissant·es, Nous voulons donner à voir des héro·ines ordinaires qui découvrent les luttes sociales dans l’espace public.  Comme exemplarité de militantisme, nous avons choisi les groupes de collages féministes, et via ce mouvement de montrer qu’avoir une meilleure compréhension du monde libère.

Le soulèvement que procure l’état de mise en action passe par le corps. Se sentir puissant·e transforme le rapport au monde. Et comme le décrit Elsa Dorlin, modifier son schéma corporel devient un acte militant de conscientisation politique. 

Toujours au service du fond, le mélange des singularités des artistes du projet renforce une lecture organique du récit. Nous souhaitons avant tout proposer une expérience sensitive aux spectateurices, qui les mobilisent au-delà de la compréhension intellectuelle. L’évocation plutôt que l’incarnation est la marque de fabrique de la compagnie et est un atout pour universaliser le propos via un bouleversement intime d’un·e ou de plusieurs protagoniste(s).

Coralie Vanderlinden